- IMPRIMERIE EN CHINE (histoire)
- IMPRIMERIE EN CHINE (histoire)IMPRIMERIE EN CHINE, histoireL’invention de l’imprimerie en Chine, plus d’un demi-millénaire avant l’Occident, peut s’expliquer par la combinaison particulière de plusieurs facteurs: usage généralisé du papier (depuis le IIIe s., mais l’invention est plus ancienne); duplication courante des caractères d’écriture avec des sceaux gravés en relief et en miroir (depuis la plus haute antiquité) ou par estampage des surfaces gravées (depuis le VIe s.); pratique de la gravure sur stèles de très longs textes (sept «éditions» du Canon confucéen du IIe au XVIIIe s.); difficulté et lenteur de la duplication manuscrite des textes chinois; standardisation du curriculum confucéen imposé pour les examens publics (depuis le VIIe s.); et surtout, immense «marché» offert par la diffusion des textes bouddhiques.Si les premiers spécimens conservés d’images et de textes bouddhiques imprimés en xylographie (par planches gravées) datent de la première moitié du VIIIe siècle (rouleau portant un dharani [charme] retrouvé en Corée mais imprimé en Chine), la technique doit avoir été mise au point au siècle précédent. Le premier «livre» imprimé est un Sutra du Diamant de 868 retrouvé à Dunhuang, et en général le IXe siècle a laissé de nombreuses publications publiques et privées, souvent illustrées de dessins et de diagrammes (calendriers, formulaires administratifs, astrologie, abondante littérature religieuse, etc.). La période des Cinq Dynasties (Xe s.) produit des ouvrages beaucoup plus étendus (textes littéraires et historiques, Canon taoïste imprimé en Chine du Nord en 940, les deux premières «intégrales» des classiques, l’une imprimée en 130 volumes à Kaifeng en 953, l’autre au Sichuan); Hangzhou, au sud, imprime des textes bouddhiques en rouleaux dont certains sont tirés à près de cent mille exemplaires.Sous les Song (960-1280) se produit une véritable explosion des publications imprimées, qui va de pair avec les progrès de l’instruction et la généralisation du système des examens, et accompagne la «révolution économique médiévale» (le papier-monnaie est un produit d’imprimerie). La qualité (calligraphie, papier, impression, etc.) est en général remarquable, et jusqu’à nos jours les éditions Song sont restées les plus recherchées. Les grandes éditions se multiplient, tant religieuses que gouvernementales, et les publications prolifèrent dans tous les domaines (classiques, histoire, anthologies littéraires, géographie, nombreux ouvrages scientifiques, notamment de médecine): elles émanent des organismes gouvernementaux les plus divers, de monastères, de clans, d’éditeurs commerciaux. Les principaux centres sont la capitale Kaifeng (jusqu’à sa chute en 1126), Hangzhou, Jianyang au Fujian, Meishan au Sichuan. Certaines librairies du Sud restent en activité plusieurs siècles, et existent encore après la conquête mongole (1280). Au nord, les Jin se sont emparés des planches conservées au Collège impérial de Kaifeng et les ont transférées à Pingyang (Shanxi), qui devient un centre important de publication et le restera à l’époque mongole.L’édition tant publique que privée reste très active sous les Yuan, mais le second âge d’or de l’imprimerie en Chine se situe dans la seconde moitié du règne des Ming (1500-1644 env.). Les presses des deux Collèges impériaux (Pékin et Nankin) et les diverses administrations publient des ouvrages de toutes sortes, mais c’est surtout le développement de l’édition privée qui est remarquable. La fiction en langue vernaculaire répond à la demande d’un nouveau public urbain, pour ne pas dire «bourgeois»; le théâtre, la médecine, les livres de voyage, les encyclopédies, les ouvrages d’art (c’est l’apogée de la gravure polychrome) et même les textes d’origine occidentale introduits par les missionnaires connaissent une diffusion croissante. La publication de monographies locales (fangzhi ) introduit l’imprimerie dans des provinces reculées; les princes Ming et les grands collectionneurs publient des éditions soigneuses de leurs pièces rares; les académies privées produisent des manuels pour les examens et des recueils littéraires... Ces tendances se poursuivent sous les Qing, qui se signalent surtout par un énorme gonflement quantitatif: près de la moitié des quelque 250 000 titres connus depuis les origines sont publiés entre 1644 et 1911, dont 80 p. 100 des 7 000 monographies locales conservées, la plupart des généalogies publiées par les clans, d’innombrables recueils individuels publiés par la famille ou les amis des auteurs, et une masse imposante de «collections» (congshu ), sans parler des «grands projets» patronnés par la cour. Grâce aux progrès de la philologie et de l’érudition, la qualité des textes anciens publiés dans de nouvelles éditions est en général supérieure à celle des éditions Ming. Un énorme marché «populaire» se développe, soutenu par le niveau élevé d’alphabétisation de la population, notamment urbaine.Techniquement, la xylographie reste la norme jusqu’au début du XXe siècle: mieux adaptée que la typographie à l’écriture chinoise et à ses exigences esthétiques, permettant toutes les variations de mise en pages et idéale pour l’illustration, elle correspond aussi aux habitudes chinoises de production (très petits tirages initiaux, puis tirages à la demande qui peuvent s’étendre sur de longues périodes, facilité des corrections). La typographie est cependant attestée dès le XIe siècle et a été utilisée irrégulièrement, tant par l’État que par des éditeurs privés, jusqu’à l’apparition des techniques modernes importées d’Occident. Elle suppose un gros investissement initial — fontes d’environ 200 000 caractères en terre cuite, en bronze (depuis les Ming) ou en bois («éditions du Palais» sous les Qing) — et vaut surtout pour les longs textes tirés en une seule fois; la qualité esthétique a mis longtemps à égaler celle des xylographies faites à la main.Si l’origine chinoise des techniques d’impression xylographique attestées en Europe dès le XIVe siècle ne fait guère de doute, la question est moins claire concernant la typographie «inventée» par Gutenberg; tout lien entre les imprimeries chinoises et européennes ne peut, en tout cas, être écarté. En revanche les techniques chinoises ont été très vite adoptées dans tout l’Extrême-Orient, en Asie du Sud-Est et en Asie centrale. La forme matérielle du livre, enfin: aux longues unités enroulées ou pliées en accordéon (sutras bouddhiques) succède, dès le Xe siècle, le fascicule de feuillets imprimés sur une seule face et pliés en deux, encollé sur le côté plié (Song), puis aux extrémités libres du folio (Yuan et Ming), puis simplement cousu avec une couverture légère (depuis le XVIIe s.) et empilé dans des casiers rigides.
Encyclopédie Universelle. 2012.